Au 31 décembre 2022, la masse sous gestion des fonds classés articles 8 ou articles 9 s’élevait à 4’600 milliards d’euros et représentait 55% des fonds réglementés en Europe. Les sociétés des gestion européennes, soucieuses d’offrir des produits labélisés « green » à leur clientèle attirée par la finance durable, ont parfois classifié leurs fonds « article 9 », à tort, et se voient aujourd’hui dans l’obligation de rebrousser chemin et de reclassifier leur fonds « article 8 ».
Blackrock, Amundi, Invesco, Pimco, DWS, AXA, Robeco, Deka, Neuberger Berman entre autres ont déclassé des dizaines de milliards d'euros de fonds article 9, c'est-à-dire les fonds considérés les plus durables.
La finance durable, au sens de l’article 2 (17) de la SFDR ou « Sustainable Finance Disclosure Regulation», considère un investissement comme durable s’il a une activité économique qui contribue à un objectif environnemental ou social. C’est également le cas si l’investissement favorise le capital humain ou des communautés économiquement ou socialement défavorisées. Il ne doit pas causer de préjudice important à aucun de ces objectifs et doit s’appliquer selon les pratiques de bonne gouvernance. Par exemple, les indicateurs PAI (Principle Adverse Impact) servent à démontrer l’absence de préjudice significatif et comprennent un minimum de 16 indicateurs dont au moins 9 environnementaux et 5 sociaux.
Les fonds à impact sont des fonds d’investissement orientés vers des causes sociales et environnementales. La réglementation SFDR encadre la finance durable et les fonds à impact en Europe. Elle est relativement récente puisqu’elle n’est entrée en vigueur qu’en mars 2021 et inclus les fameux articles 8 et 9 qui statuent sur la divulgation des informations relatives au financement durable. Les gestionnaires d’actifs se doivent donc de divulguer un certain nombre de paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ils doivent également publier les caractéristiques et les objectifs de durabilité de leurs fonds (cf. Fig.2).
Les fonds de l’article 8 ou « verts clairs » utilisent des critères de durabilité dans leur processus d’investissement. Ils utilisent des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour écarter ou sélectionner des investissements, parallèlement à leurs analyses financières et de marché existantes.
Les fonds de l’article 9 ou « verts foncés » ont un objectif de durabilité pour leurs investissements, en plus d’intégrer les critères ESG, et étudient réellement leur impact. Ces fonds visent donc à avoir une incidence réelle positive sur l’environnement (cf.Fig.3).
La réglementation étant récente, elle semble ne pas avoir été comprise de la même manière par les différentes sociétés de gestion. Les fonds article 8 incluent la notion d’ « élément contraignant » dans le processus de sélection des investissements. Souvent, cet élément contraignant consiste en l’exclusion de certains secteurs, par exemple les entreprises du secteur minier ou les sociétés actives dans l’exploration et la production de ressources fossiles. Mais les fonds article 8, ne pratiquent pas tous l’exclusion. D’autres appliquent des thèmes durables tels que la diversité des genres, le changement climatique, la perte de la biodiversité, ou la gestion de l’eau.
Enfin, La double matérialité (cf. Fig.4) s’inscrit dans le cadre de la réglementation CSRD « Corporate Sustainability Reporting Directive », qui vient encadrer le rapports extra-financiers des entreprises, mais il s’inscrit aussi dans celui de la réglementation SFDR, qui exige de la transparence de la part des sociétés à l’égard des investisseurs.
L’entrée en vigueur au 1er janvier 2023 des normes techniques réglementaires (RTS) SFDR de niveau 2 a poussé les sociétés de gestion à revoir leurs ambitions à la baisse. En effet, les nouvelles normes exigent des gestionnaires qu’ils divulguent davantage d’informations sur les approches ESG, les risques de durabilité de leurs fonds, et leur impact, dans les documents précontractuels et les rapports périodiques. Une grande majorité des fonds, 307 au total, sont passés d’une classification sous l’Article 9, le plus ambitieux en matière de durabilité, à une classification sous l’Article 8, représentant 175 milliards d’euros d’actifs (ou 40% des fonds article 9).
Au quatrième trimestre 2022, les fonds article 8 ont renoué avec une collecte nette positive de 10.7 milliards d’euros. Les fonds de l'article 9 enregistrent, eux, la plus faible collecte jamais enregistrée ou 5,1 milliards d'euros de capitaux frais. Mais ce faible afflux s'explique en partie par la vague de fonds qui se sont reclassés de l'article 9 à l'article 8 au cours des trois derniers mois de 2022 (cf.Fig.5).
Les régulateurs élaborent actuellement des labels obligatoires pour les produits, qui viendront s'ajouter aux exigences de divulgation SFDR et auront un impact sur l'utilisation des classifications existantes.
Cependant, il est probable que les entreprises et les fonds devront se conformer à un nombre croissant d'exigences en matière de classification des produits au cours des prochaines années, jusqu'à ce qu'un label écologique européen entre en vigueur.
Il existe déjà quelques labels « verts » en Europe, notamment le « Nordic Swan » (basée en Suède et créé en 1989 mais apposé pour la première fois à un fonds d’investissement en 2017 !), le « Luxflag » (créé en 2011 au Luxembourg) ou la « doctrine » (introduite par la France en mars 2020).
Par exemple pour qu’un fonds soit labelisé « LuxFlag », il doit :
En France, la « Doctrine » exigent une cohérence entre ce qui est dit dans le matériel de marketing et ce qui est fait en termes de gestion de portefeuille ESG. L'AMF a déclaré qu'elle considérait la « Doctrine » comme complémentaire au SFDR, mais qu'elle la réévaluerait à la lumière des règles définitives de niveau 2 du SFDR et lorsque l'écolabel européen sera introduit.
Au fur et à mesure que de nouvelles précisions sont apportées par le SFDR et que les réglementations sur la mesure ESG continuent d'évoluer, chaque gestionnaire d'actifs doit prendre des mesures pour s'adapter à ces changements. Les gestionnaires et les décideurs d'investissement qui ne parviennent pas à intégrer ces nouvelles règles dans leur plan d'affaires risquent de ne pas respecter les normes européennes - voire mondiales. Les investisseurs sont de plus en plus soucieux de l’impact que peuvent avoir leurs investissements et la réglementation tend à leur apporter toute l’information nécessaire pour les conforter dans leurs choix. La gestion ESG est un sujet en constante évolution, et les instances dirigeantes tentent de répondre aux demandes de clarification afin d’éviter le « green washing ». Le mouvement vers les fonds à impact semble bien amorcé. Il ne reste plus qu’à tendre vers plus de transparence pour permettre de différencier les stratégies de durabilité et leur impact réel.