DANS LE SECTEUR BANCAIRE, BIG IS POWERFUL

STRATEGIE ET THEMATIQUES
8 Avril 2024
La hausse des taux et l'inversion de la courbe des rendements ont mis les banques sous pression
Aux États-Unis, la crise des banques régionales n'est pas terminée
En Europe, le secteur génère des bénéfices malgré le faible volume de prêts
Progressivement, le géant UBS se démarque comme un acteur incontournable

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "La contre-performance d'UBS appartient au passé"

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "La contre-performance d'UBS appartient au passé"

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

Le secteur bancaire se distingue autant par sa capacité à refléter les opportunités de croissance économique que les tensions systémiques. Depuis le mois de novembre 2023 aux États-Unis et depuis février 2024 en Europe, les investisseurs s'intéressent de près à ce secteur. Les performances boursières des principales banques cotées, après avoir longtemps stagné (cf. Fig. 2), sont supérieures à celles des indices (cf. Fig. 3). Ce signal est très positif mais il ne doit pas masquer les risques induits par les fluctuations de taux d'intérêt, la faiblesse du marché immobilier, et le manque de consolidation du secteur. Ils continuent de représenter des défis d'envergure pour le secteur bancaire, de part et d'autre de l'Atlantique.

Fig. 2 & 3 – Performance du secteur bancaire depuis 2017 et depuis mai 2023
Fig. 2 & 3 – Performance du secteur bancaire depuis 2017 et depuis mai 2023

1. Banques américaines

Les banques régionales jouent un rôle crucial dans le paysage financier américain. Spécialisées dans le financement de startups technologiques et de capital-risque, elles soutiennent les petites et moyennes entreprises (PME). Ce faisant, elles alimentent la croissance de l'économie locale. Depuis 2022 et l'amorce du processus de normalisation des taux d'intérêt par la Fed, les banques régionales américaines ont été négativement impactées par la chute de valorisation de leurs obligations et, in fine, prises au piège d'une crise de liquidité. Les défaillances de Silicon Valley Bank et de Signature en mars 2023, puis de First Republic deux mois plus tard, n'ont pas permis de clore cette problématique. Au contraire, elles ont révélé la mauvaise gestion des risques de taux d'intérêt et la vulnérabilité des banques à des chocs spécifiques, comme le défaut des prêts qu'elles ont accordés pour la construction d'immeubles de bureaux (CRE). Fin janvier, la New York Community Bancorp (NYCB) est venue alimenter les craintes des investisseurs quant à une nouvelle faiblesse du secteur. La société a affiché des pertes importantes et son équipe dirigeante a mis en garde contre les faiblesses de ses contrôles internes.

Depuis que les premières difficultés ont été révélées, en mars 2023, les banques régionales ont dû rémunérer davantage les dépôts. Cette stratégie a entraîné une baisse des revenus nets d'intérêts et a fait chuter de 16% l'indice KBW des banques régionales. Sur la même période, l'indice Dow Jones des grandes banques institutionnelles, incluant JPMorgan Chase, Bank of America, Wells Fargo ou Citigroup, s'est mieux comporté, en progressant de 18%. Dans les deux cas, les indices bancaires sont à la traîne du S&P 500, en hausse de 27% (cf. Fig. 4). Pour surmonter ces défis et sortir de cette situation, les autorités de régulation incitent les petites et moyennes sociétés bancaires à fusionner. En créant des super banques régionales, elles élargiraient leur base de clients, amélioreraient leur efficacité opérationnelle et accroîtraient leur compétitivité. La fusion effectuée en 2021 entre First Citizens et CIT Group devrait pouvoir servir d'exemple. En attendant, il est très probable que les investisseurs continueront de donner leur préférence aux banques de taille internationale.

Fig. 4 – Performance des banques américaines - Fig. 5 – Performance des banques européennes
Fig. 4 – Performance des banques américaines - Fig. 5 – Performance des banques européennes

2. Banques européennes

Contrairement aux États-Unis où les entreprises se financent majoritairement sur le marché obligataire, en Europe elles ont principalement recours à des emprunts bancaires. Le revers de la médaille est que les bénéfices des banques sont, plus qu'ailleurs, dépendants des crédits qu'elles ont octroyés aux entreprises. Durant plus de 10 ans, la rentabilité du secteur bancaire européen a été pénalisée par l'environnement de taux d'intérêt très bas. En 2022, grâce à la reprise économique puis à la hausse des taux directeurs par la Banque Centrale Européenne, les banques ont profité d'un double soutien : accroissement des volumes et des taux d'emprunt. Au cours des 18 derniers mois, elles sont parvenues à restituer une grande partie des bénéfices sous forme de dividendes et de rachats d'actions. Sur cette période, l'indice des banques européennes, incluant BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, s'est apprécié de 82, contre 42% pour l'EuroStoxx (cf. Fig. 5). Pour poursuivre sur cette belle lancée, les banques européennes devront continuer de rassurer les investisseurs.

L'enjeu est de taille car, depuis quelques mois, les banques européennes sont devenues très prudentes dans leur processus d'octroi de prêts. Pour se prémunir contre la recrudescence des défauts de paiement et des faillites, elles ont augmenté la prime de risque qu'elles appliquent à leurs prêts aux entreprises. Malheureusement, le marché obligataire s'affiche comme un concurrent déloyal. Grâce à la stabilisation des taux souverains et à la compression des spreads corporate, le marché obligataire offre une alternative extrêmement attractive aux entreprises en quête de financement. Pour schématiser, une entreprise européenne qui souhaite emprunter à 5 ans a actuellement le choix entre contracter un emprunt bancaire à un taux annuel de 4.6% ou émettre une obligation à un taux de 3.2%. Dans un tel environnement, il est aisé de comprendre pourquoi les volumes de prêts bancaires se contractent (cf. Fig. 6). Dans le cas où ce phénomène devait perdurer, il favoriserait la compression des marges et des bénéfices des banques, conduisant à une sous-performance du secteur bancaire sur le marché des actions.

Fig. 6 – Prêts et taux accordés aux entreprises européennes
Fig. 6 – Prêts et taux accordés aux entreprises européennes

Si le secteur résiste bien, c'est également parce que les investisseurs anticipent une repentification de la courbe des rendements. En Allemagne, l'écart entre les taux à 10 et 2 ans demeure négatif mais il n'est plus que de -44 points de base, contre -82 en juillet dernier. En France, après avoir passé la majorité de l'année 2023 en territoire négatif, il est redevenu positif le 22 janvier dernier. Les banques de l'Hexagone peuvent à nouveau tirer profit de leur métier de base, à savoir prêter à long terme des capitaux empruntés à court terme. En 2024, plus la courbe des taux sera pentue, plus la marge des banques sera importante. Elles recevront davantage de revenus d'intérêt qu'elles n'en verseront. Sous cet angle d'analyse, les prochaines baisses de taux de la BCE seront bénéfiques aux établissements de crédit européens.


3. Banques suisses

L'acquisition de Credit Suisse par UBS, lors des turbulences de mars 2023, a non seulement redessiné le paysage bancaire helvétique mais elle a également accru le potentiel de développement du géant bancaire sur la scène financière internationale. Certes, elle a permis de répondre aux défis spécifiques rencontrés par Credit Suisse, incluant des pertes significatives et des scandales qui avaient fini par éroder la confiance des clients et investisseurs, mais elle positionne UBS pour capitaliser sur de nouvelles opportunités de croissance et de rentabilité. Au-delà du coût dérisoire de ce rachat, les synergies rendues possibles par la fusion sont considérables. Elles promettent des économies d'échelle, une diversification accrue des services financiers, et une base de clients élargie. UBS est en train d'intégrer les opérations de Credit Suisse de manière à optimiser les coûts tout en élargissant son offre de produits et services, particulièrement dans la gestion de fortune, où les deux banques excellaient déjà séparément.

Ces éléments sont importants à l'heure où les banques font face à une pression sur les coûts, à une complexité réglementaire accrue et aux défis posés par l'émergence des technologies financières. Ils sont également cruciaux pour répondre aux attentes des clients, en particulier dans la gestion de patrimoine, où la personnalisation des services et l'accès à des conseils et produits d'investissement sophistiqués sont devenus des critères de différenciation. Les investisseurs ne s'y trompent pas. Ils sont progressivement en train de considérer cette fusion comme une stratégie offensive, et non plus seulement défensive. Sur le marché boursier, le titre UBS est en train de surclasser ses pairs.

Conclusion :

Le secteur bancaire affronte des défis variés. L'adage "small is beautiful" n'est pas respecté. Au contraire, les investisseurs estiment que "big is powerful". Les établissements de crédit commencent tout juste à profiter de la pentification de la courbe des rendements. Dans ce paysage financier et malgré les déboires de mars 2023, UBS fait figure de pionnière en termes de consolidation du secteur. Elle commence à tirer les bénéfices de l'acquisition express de Credit Suisse, tandis que les investisseurs y voient des promesses de gains.

RENDEMENT DES ACTIFS FINANCIERS Markets Performances(local currencies)Last PriceMomentum Indicator (RSI)1-Week (%)

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