Alors que les Fashion Weeks se succèdent de New York à Milan et de Londres à Paris, l’industrie peine àtrouver un modèle durable entre crise énergétique, ralentissement économique et dérèglementclimatique. Le secteur du luxe européen affiche une performance légèrement inférieure au marché, soit-22% contre -20% pour l’indice Euro Stoxx 600, mais mieux que le secteur de la consommationdiscrétionnaire qui sous-performe massivement (-27%) depuis le début de l’année.
La durabilité et la numérisation du secteur sont de plus en plus mises en avant dans les stratégies desentreprises du luxe et du prêt-à-porter. Dans un secteur hautement compétitif, ces transformations, bienque coûteuses, sont cruciales pour assurer la réussite future.
L’industrie du luxe connaît actuellement un moment d’euphorie qui culmine avec les Fashion Weeks de lasaison printemps-été 2023. En effet, après un début d’année morose sous le signe de la guerre en Ukraine,le secteur affiche pourtant des bénéfices en forte croissance par rapport à 2021 (cf. Graphique de lasemaine). Ainsi, LVMH, Kering et Hermès ont vu leurs ventes croître respectivement de 28%, 23% et 23%malgré les nouveaux confinements en Chine et la fermeture des magasins en Russie. Les ventes aux EtatsUnis, en Europe et au Japon ont fortement rebondi avec la reprise du tourisme mondial. La même résiliencedes résultats avait été observée lors de la grande crise financière (cf. Fig. 2).
Le luxe fait donc toujours rêver mais la transformation digitale du secteur, accélérée pendant la pandémiede Covid-19, aurait-elle fait long feu ? Les défilés n’ont plus lieu dans le métavers alors que celui-ci attiretoujours davantage les nouvelles générations. Quelle sera la stratégie des grands groupes à cet égard, lemétavers peut-il apporter une solution à la réduction de leur empreinte carbone ? On entend moins parlerde défilés sur le métavers pour la saison printemps-été 2023 mais celui-ci offre indéniablement denombreuses opportunités pour rendre le secteur plus durable : les marques peuvent réduire leurs déchetsen produisant des vêtements numériques, en échangeant avec d’autres créateurs via des outils de réalitévirtuelle ou augmentée. Il permet également de démocratiser l’univers du luxe, offrant la possibilité auxfans d’assister aux défilés sans avoir à se déplacer dans les capitales du monde entier
La crise énergétique que traverse actuellement l’Europe, berceau de nombreuses sociétés du luxe, nousrappelle que le secteur de la mode est un grand consommateur d’eau et d’énergie. La célèbre industrietextile italienne, qui pèse près de 100 milliards d’euros de revenus par an, risque de voir ses petites etmoyennes entreprises mettre la clef sous la porte sous le poids du coût du gaz. Or ces PME sont l’épine dorsaledes maisons de couture françaises et italiennes.Il devient donc de plus en plus urgent de trouver des matériaux et des méthodes de travail innovantes ou dumoins plus durables (cf. WIF du 2 mai 2022). Ces prochaines années, l'un des principaux enjeux sera lacapacité des acteurs du secteur à adopter plus massivement les matériaux durables afin d’en réduire lescoûts par rapport aux matériaux traditionnels. Il faut également faire évoluer les mentalités des designersafin de promouvoir les matériaux durables dès la conception des produits. L'utilisation plus fréquente dematériaux durables aura également un impact sur d'autres facteurs, notamment la consommation et lapollution de l'eau, l'utilisation des terres et des engrais, et l'eutrophisation. La teinture et l'impression destextiles sont particulièrement gourmandes en énergie. De nombreuses start-up sont à la recherche detraitementsinnovants pour permettre de rendre cette étape moins polluante et plus économe (cf. Fig. 3).
L’industrie textile prend des mesures pour encourager l’évolution vers des matériaux plus durables. Leprogramme Corporate Fiber & Materials Benchmark (CFMB), lancé il y a 7 ans déjà, est la plus grande initiativede comparaison entre pairs de l'industrie textile, générant entre autres l'indice de changement de matériaux(ICM). Il permet de suivre les progrès du secteur de l'habillement, de la chaussure et du textile de maison versun approvisionnement en matériaux plus durables, ainsi que l'alignement sur les efforts mondiaux tels que lesobjectifs de développement durable (ODD) et la transition vers une économie circulaire.
L’offre de services permet d’intégrer davantage le secteur de la mode dans l’économie circulaire. Lesmagasins de vêtements d’occasion peuvent prolonger la durée de vie moyenne des produits de 1,7x. Lalocation de vêtements est supposée prolonger la durée de vie des produits de 1,8x, en se basant sur lenombre moyen de locations pendant la durée de vie d'un produit. La réparation offre en revanche uneextension plus modeste de 1,3x, en supposant des réparations professionnelles. Enfin, la remise à neuf a lepotentiel de doubler l'extension de la durée de vie, reflétant les collaborations potentielles entre marqueset fabricants autour du recyclage.Hermès, comme la plupart des marques de luxe, offre déjà des services de réparation à ses clients afin queleur achat dure dans le temps, voire sur plusieurs générations.Les marques devront repenser leurs modèles commerciaux. Par exemple, la location ou la vente devêtements d’occasion nécessitent de nouvelles capacités logistiques. Les modèles de réparation et deremise à neuf nécessitent des compétences en matière de confection. Tous les acteurs de la chaîne devaleur doivent être impliqués dans les modèles d’économie circulaire, que ce soit le détaillant ou l’artisan,si les marques veulent conserver le contrôle de leurs produits et leur valeur après la vente.