Alors que nous commençons tout juste une nouvelle année, GE HealthCare, issue du spin-off de General Electric, devient l’une des plus grosses medtech au monde. Ces dix dernières années, plusieurs multinationales ont procédé à l’IPO de leur activité medtech pour mieux se focaliser sur ce secteur de croissance et conquérir de nouveaux marchés. C’est le cas de Abbott (janvier 2013), Danaher (juillet 2016) ou encore Siemens Healthineer (mars 2018).
Le secteur des équipements médicaux, bien que faisant partie intégrante du secteur défensif de la santé, a connu une année 2022 volatile et a sous-performé le MSCI World, affichant une perte de -23%. La partie « tech » a pesé lourd dans la balance. Pourtant les fondamentaux restent bons. Les multinationales du secteur génèrent des cash-flows généreux permettant le versement de dividendes attractifs et la flexibilité financière pour procéder à de nouvelles fusions et acquisitions.
Le secteur medtech comprend principalement des dispositifs médicaux qui simplifient la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies. Les produits de technologie médicale les plus connus sont les stimulateurs cardiaques, les instruments d'imagerie, les appareils de dialyse et les implants. La taille totale du marché mondial des technologies médicales a dépassé les 500 milliards de dollars et la croissance attendue est d’environ 5.5% par an.
Parmi les marchés de la medtech offrant de belles perspectives de croissance, on trouve l’imagerie médicale, les ultrasons, les solutions de soins aux patients et les diagnostics pharmaceutiques (cf. Fig. 2). Fin 2021, ces quatre marchés représentaient à eux seuls 84 milliards de chiffre d’affaires et pourraient atteindre près de 100 milliards en 2025.
Le secteur medtech innove principalement au sein de start-up. D’après l’organisation « Medtech Europe », plus de 33 000 entreprises medtech sont présentes sur le continent européen, dont la plupart sont basées en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et en France.
La technologie médicale se caractérise par un flux constant d'innovations, qui sont le résultat d'un niveau élevé de R&D au sein de l'industrie et d'une coopération étroite avec les utilisateurs. Le taux d'investissement mondial moyen en R&D en pourcentage des ventes est estimé à 8 % dans le secteur de la technologie médicale. Les produits ont généralement un cycle de vie de 18 à 24 mois avant qu'une version améliorée ne soit disponible. En 2020, près de 14 300 demandes de brevet ont été déposées auprès de l'Office européen des brevets (OEB) dans le domaine des technologies médicales, soit une croissance de 2,6 % par rapport à l'année précédente (cf. Fig. 3).
A titre de comparaison, 8 589 demandes ont été déposées dans le domaine pharmaceutique et 7 246 dans le domaine de la biotechnologie. Au cours de la dernière décennie, le nombre de dépôts à l'OEB dans le domaine de la technologie médicale a doublé.
Les dépenses de santé représentent environ 10% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Elles affichent une croissance plus rapide que celle de l’économie mondiale. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les dépenses augmentent plus rapidement dans les pays émergents, soit 6% par an en moyenne contre 4% dans les pays développés. La pandémie de Covid-19 a accéléré la croissance des coûts de santé avec la mise en place de procédures vaccinales et de tests PCR, l’ajout de lits en soins intensifs et l’achat de matériel spécialisé.
De plus, le secteur est en manque chronique de main d’oeuvre et cette tendance s’est encore accélérée avec la pandémie. Il pourrait manquer 15 millions de travailleurs dans la santé d’ici 2030 à l’échelle de la planète. La technologie médicale se présente donc comme un moyen d’améliorer l’efficience des soignants et l’expérience du patient.
Les entreprises medtech pourraient jouer un rôle majeur. Le McKinsey Global Institute estime que les économies réalisées pourraient se situer entre 1 500 et 3 000 milliards de dollars par an d'ici à 2030, grâce à des technologies telles que la surveillance à distance, l'intelligence artificielle et l'automatisation (cf. Fig. 4).
Aux Etats-Unis, près de 60% des organismes de soins de santé ont déjà adopté l'internet des objets médicaux (IoMT), et ont réalisé des économies, amélioré leur rentabilité, leur visibilité et l'expérience des patients. En effet, l'IoMT sert les intérêts financiers des parties prenantes du secteur de la santé, notamment les investisseurs, les fabricants, les prestataires et les médecins.
La taille du marché global de l’IoMT devrait atteindre 187,6 milliards de dollars d'ici 2028, soit une croissance de 29,5% par an.
Parmi les exemples de dispositifs médicaux compatibles avec l'internet des objets, on trouve les outils de transfert de données médicales, le suivi d'efficacité des médicaments, les scanners biométriques de soins à distance, les capteurs de qualité de l'air, les systèmes de surveillance du glucose et de la pression artérielle en temps réel, les moniteurs de température à distance, les accessoires de fitness, les moniteurs de sommeil, les inhalateurs intelligents, les lentilles de contact connectées et les équipements chirurgicaux robotisés. Ces appareils sont généralement équipés de technologies d'intelligence artificielle (IA) et d'apprentissage automatique (ML), d'une connectivité en cloud et de capteurs. Les leaders mondiaux de la medtech sont déjà largement présents sur ce segment.
Siemens est l'un des principaux fournisseurs de solutions de santé basées sur l'IoMT. L'entreprise est spécialisée dans les tests et les solutions de santé numérique qui permettent de fournir des soins de qualité aux patients en cardiologie, en oncologie et dans d'autres spécialités cliniques. Son système d'exploitation, MindSphere, basé sur le cloud, connecte les appareils et les systèmes médicaux à l'aide d'analyses avancées.
Medtronic, un des leaders mondiaux de dispositifs médicaux, augmente sans cesse sa gamme de produits compatibles avec l'IoMT comme les oxymètres, les ventilateurs portables, les stimulateurs cardiaques, les défibrillateurs et les neurostimulateurs. L'un des produits phares de l'entreprise est la solution de surveillance et d'aide à la décision clinique (CDS) Vital Sync, qui permet la surveillance à distance des patients, la connectivité au dossier médical électronique (DME) et la gestion des alarmes.
GE Healthcare s'engage à numériser les infrastructures de santé et se spécialise dans les appareils et solutions d'imagerie, de diagnostic et de surveillance des patients. Sa solution de surveillance à distance des patients, baptisée Carescape One, est un moniteur conçu avec la technologie IoMT et fournit des données ininterrompues depuis plusieurs zones de soins, avec une grande flexibilité et une connectivité transparente.
Alors que la technologie continue de faire progresser tous les aspects des soins de santé, les logiciels intégrant l'intelligence artificielle (IA), et plus particulièrement l'apprentissage machine (ML), sont intégrés dans un nombre croissant de dispositifs médicaux. L'un des avantages du ML réside dans sa capacité à créer de nouvelles informations à partir de grandes quantités de données générées lors de la prestation de soins de santé aux patients. La prise de décision médicale s’en trouve ainsi facilitée et la qualité des soins, améliorée.
L'IA et le machine learning dans le domaine medtech sont utilisés notamment pour:
La FDA (Food & Drug Administration), l’autorité de régulation américaine des médicaments, approuve chaque année davantage d’appareils médicaux intégrant des dispositifs IA/ML (cf.Fig. 5). Parmi ceux-ci, on trouve « DeepRhythmAI » de Medicalgorithmics, dont l’IA permet de réduire le temps nécessaire à l’établissement d’un diagnostic complet et précis. Le groupe développe des algorithmes pour l'analyse automatisée d'images de tomodensitométrie cardiaque utilisée dans le diagnostic non invasif de maladies coronariennes. L’IA augmente ainsi le taux de survie et de guérison des patients.
Le secteur medtech, comme le secteur de la santé dans son ensemble, bénéficie de facteurs démographiques solides. L’augmentation des classes moyennes dans les pays émergents et le vieillissement de la population mondiale accroissent la demande pour des soins de santé de qualité dans de nombreux domaines, entre autres comme la cardiologie, l’orthopédie, le diabète et l’imagerie médicale (cf. Graphique de la semaine).
La croissance du secteur est également très influencée par les avancées technologiques et les innovations qui rendent les produits plus efficaces ou moins coûteux.
L’industrie des technologies médicales, exception faite de la chirurgie plastique ou des soins dentaires et orthodontiques, est donc peu sensible au cycle économique. Le nombre de chirurgies cardiaques, bien qu’ayant ralenti pendant la pandémie de Covid-19 et en raison de la fermeture des blocs opératoires, a repris sa cadence habituelle.
Les grandes medtech ont compris que pour bénéficier d’une croissance stable, il ne fallait pas seulement produire des appareils performants, mais ajouter des fonctionnalités numériques telles que la surveillance continue, les diagnostics intelligents et la prévention.
La croissance continuera de se faire également par acquisitions, nourries par un vivier de start-up très innovantes, et grâce aux importantes liquidités disponibles pour investir. Les périodes d'incertitude macroéconomique ont traditionnellement été favorables aux investissements dans le secteur de la santé, en raison de la résilience du marché.
La medtech promet de combler un grand nombre de lacunes des soins de santé actuels, mais aussi d’aider à prévenir les formes graves de cancer ou autres maladies chroniques par une meilleure prise en charge des patients, des diagnostics plus précoces et des traitements mieux ciblés. La digitalisation de la médecine s’accélère et pourrait contribuer à résorber une partie des coûts souvent issus de lourdeurs administratives. Si le secteur continue à démontrer son potentiel pour obtenir de meilleurs résultats cliniques et financiers, ces prochaines années devraient voir l’épanouissement des technologies médicales.