Les « dollar stores » ou magasins à bas prix ont vu leur cours de bourse chuter massivement à la suite des résultats décevants du 1er trimestre et d’annonces prudentes pour le reste de l’année 2023 (cf. Graphique de la semaine). Le consommateur américain commence à montrer des signes de faiblesse malgré un taux de chômage historiquement bas. L’hypothèse d’un atterrissage en douceur de l’économie semble de plus en plus improbable.
Historiquement, les magasins discount résistent mieux aux ralentissements économiques que les détaillants classiques. Leurs ventes augmentent car les consommateurs recherchent des produits plus abordables pour leurs besoins quotidiens alors que leur budget se contracte.
Le mix produit se transforme pendant les récessions, les ménages réduisant leurs achats discrétionnaires ou non essentiels, et la part des biens de consommation courante représente une plus grande part du ticket de caisse moyen.
Or les ménages américains ont déjà commencé à modifier leurs habitudes d’achat depuis l’an dernier, privilégiant les produits de première nécessité aux dépens des produits discrétionnaires (cf. Fig. 2). Le programme de bons alimentaires pour les plus pauvres a été revu à la baisse et les remboursements de taxes sont moindres que les années passées, réduisant l’épargne disponible des ménages.
Ainsi chez le discounter Dollar General, les revenus du premier trimestre 2023 ont augmenté de 6.8%, tirés par les ventes de produits alimentaires, tandis que les ventes de biens pour la maison ou de vêtements ont chuté respectivement de -8.1% et de -1.6%. On retrouve cette même tendance chez Dollar Tree, Target ou encore Walmart.
Les discounters américains, Dollar General et Dollar Tree, ont tous les deux rapporté une croissance des ventes à périmètre comparable inférieure au taux d'inflation lors du premier trimestre 2023. Cela signifie que leurs revenus ne suivent pas l'augmentation des coûts. L'inflation entraîne généralement une augmentation du coût des intrants pour les détaillants, notamment des matières premières, de la main-d'oeuvre et des frais de transport. Si les détaillants ne peuvent pas répercuter ces coûts accrus sur les consommateurs en augmentant les prix, leurs marges bénéficiaires diminuent. Une période prolongée de faible croissance des ventes à magasins comparables par rapport à l'inflation (cf. Fig. 3) entraîne une baisse des bénéfices et une détérioration de la situation financière des détaillants.
La faiblesse de la croissance des ventes s’explique donc principalement par la non-répercussion des coûts dans le prix du produit, et les raisons peuvent être multiples :
La croissance des ventes à magasins comparables est un indicateur clé de performance très surveillé par les investisseurs, ce qui explique la forte baisse des titres suite à l’annonce des résultats. Cela met en évidence les défis sous-jacents et les risques dans le secteur de la vente au détail. La baisse du pouvoir d'achat, des problèmes de rentabilité, une pression concurrentielle et le scepticisme des investisseurs, sont autant d'éléments qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la viabilité à long terme des détaillants.
Depuis deux ans à peine, les magasins discount ont changé leur offre pour inclure des produits frais. Cette stratégie a été bénéfique jusqu’à maintenant. En effet, elle permet non seulement de répondre à la demande des consommateurs mais aussi d’augmenter la fréquentation des magasins.
Plus la gamme de produits est large et diversifiée, plus les clients sont fidèles, surtout s’ils peuvent trouver des produits frais, des produits laitiers et des consommables (cf. Fig. 4). Les clients reviennent ainsi plus souvent, ce qui les incite à faire des achats compulsifs et contribue à augmenter le chiffre d’affaires.
La combinaison de produits à bas prix et de produits de consommation de base offre aux consommateurs une expérience unique qui les différencie de la concurrence.
Enfin, la présence de produits frais dans les magasins discount répond également à la demande accrue des consommateurs pour une alimentation plus saine. En s’alignant sur ces tendances de marché, les discounters augmentent encore leurs parts de marché. Il leur a été longtemps reproché de ne vendre que de la « malbouffe » alors que leurs magasins en zones rurales sont souvent les seules sources d’approvisionnement en produits alimentaires pour la population locale. Il leur est donc facile de prendre des parts de marché dans ces zones, mais les marges sont certainement plus difficiles à maintenir à cause de la logistique plus complexe sur les produits frais.
La concurrence s'intensifie en période de récession, car les détaillants traditionnels tentent de conserver leurs parts de marché et ciblent davantage les consommateurs susceptibles de privilégier les produits à bas prix. Les chaînes de magasins discount, les supermarchés et même les plateformes en ligne proposent alors tous des prix de plus en plus compétitifs et des offres promotionnelles.
La compétition, notamment de Walmart, s’est accentuée pour les magasins discount. Walmart a rénové nombre de ses magasins. Les rénovations comprennent une nouvelle signalétique qui encourage les clients à télécharger et à utiliser l'application Walmart dans les magasins et qui les aide à s'orienter. Sur le modèle des aéroports, Walmart tente également d'utiliser le design pour aider les clients à naviguer dans ses magasins et à les diriger vers des catégories dédiées telles que l'électronique et les jouets. Les remodelages comprennent également des kiosques d'encaissement automatique et des systèmes de paiement sans contact. Enfin certains magasins seront équipés de caisses automatiques Scan & Go. Ces changements contribuent à améliorer l’expérience client et à augmenter les parts de marché.
Les « dollar stores » contrairement à Walmart sont avant tout des magasins de proximité et les efforts d’investissement se portent davantage sur l’achat de réfrigérateurs pour développer l’offre de produits frais que sur la technologie et les applications digitales sophistiquées.
Les détaillants se lancent dans la publicité en magasin afin de soutenir la croissance des ventes tout en s’offrant de nouvelles sources de revenus publicitaires. Ainsi Kroger, la deuxième plus grosse chaîne de magasins d’alimentation aux Etats-Unis après Walmart, a étendu sa stratégie médiatique en ajoutant des écrans numériques facilitant la publicité vidéo dans 500 de ses magasins. La publicité en magasin capture des audiences qui sont en moyenne 70% plus importantes que les audiences classiques (cf. Fig. 5).
Les marges de la publicité sur site sont également très supérieures aux marges distributeurs (cf. Fig. 6).
En période de récession, les magasins discount peuvent bénéficier d'une augmentation des ventes en raison de leurs prix abordables. Toutefois, la répartition des dépenses alimentaires par rapport aux dépenses discrétionnaires, les pressions inflationnistes et l'intensification de la concurrence constituent des défis pour leur rentabilité. En gérant efficacement ces facteurs, les magasins à un dollar peuvent conserver leur attrait pour les consommateurs soucieux de leur budget, et ainsi continuer à prospérer.