LES BANQUES SOUS SURVEILLANCE

STRATEGIE ET THEMATIQUES
Hebdomaraire du 28 août 2023
Les stress tests ont contribué à rassurer les investisseurs mais Fitch crée le doute
Les résultats trimestriels profitent des hausses de taux… pour l’instant
Le nombre de prêts non performants augmente
Tandis que les décisions gouvernementales et réglementaires limitent la visibilité du secteur

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Les banques européennes réduisent leur écart de valorisation"

ANALYSE DES MARCHÉS BOURSIERS

Les banques européennes s’échangent toujours à des multiples de valorisation inférieurs à ceux de leurs homologues américaines (cf. Graphique de la semaine). Or, depuis mars, ce discount tend à s’atténuer. En effet, les déboires de Silicon Valley Bank et First Republic, puis le manque de visibilité à l’approche de l’implémentation de Bâle IV ou encore les baisses des notes de crédit du secteur et des banques américaines par les agences de notation, sont autant d’incertitudes qui pèsent sur les cours de bourse.

Les stress tests ont contribué à rassurer les investisseurs mais Fitch crée le doute

Les 23 banques américaines soumises au stress test de la Fed ont toutes prouvé la résilience de leurs fonds propres en cas de scénario très défavorable de l’économie et des marchés financiers. Sixbanques ont surpris positivement avec un besoin de fonds propres ou « stress capital buffer » (SCB)revu à la baisse, dont JP Morgan, Bank of America, Goldman Sachs, M&T Bank, PNC et Wells Fargo. Parcontre quatre banques, plus exposées aux prêts à la consommation et à l’immobilier, devraient releverleur coussin de capital en cas de stress (SCB) : Capital One Financial, Citizen Financial, Truist Financialet Citigroup (cf. Fig. 2).

Fig. 2 – Amélioration ou détérioration des besoins de fonds propres (SCB) en situation de stress

De plus, l’agence de notation Fitch, qui a récemment rabaissé la note de crédit des obligations d’Etat américaines, pense également réviser sa note générale sur le secteur bancaire de AA- à A+. Cette révision pourrait donc entraîner des baisses de notation pour les banques américaines dont JP Morgan et Bank of America. Début août, une autre agence de notation, Moody’s, avait déjà révisé à la baisse les notations de crédit de 10 banques régionales et annonçait la possibilité de rabaisser la note de 17 banques supplémentaires dont Truist Financial et US Bancorp. Enfin S&P Global Ratings le 22août a réduit la note de crédit de KeyCorp, Comerica, Valley National Bancorp, UMB Financial et Associated Bancorp. La raison invoquée : la hausse des taux d’intérêt met en péril la profitabilité des banques. En effet, les clients déplacent leurs économies vers des comptes rémunérés à un taux plus élevé, augmentant ainsi les coûts de financement des banques. En Europe, les résultats du stress test sont également ressortis meilleurs qu’attendu. Les bilans des70 banques qui ont participé au test sont de bien meilleure qualité aujourd'hui qu'il y a dix ans, malgré des coûts plus élevés. Les paiements de dividendes et de rachats d’actions devraient donc se poursuivre voire augmenter et permettre un meilleur rendement pour les actionnaires.

Les résultats trimestriels profitent des hausses de taux… pour l’instant

Les résultats de 2e trimestre étaient positifs pour les banques américaines et européennes mais manquaient d’enthousiasme face à l’amorce d’une normalisation des défauts de crédits bancaires et à l’impact de l’inflation sur les marges. Les ménages continuent de consommer, de se divertir et de voyager sans entamer leur épargne, même si la dette liée aux cartes de crédit augmente et que les impayés atteignent des plus hauts depuis 11 ans (cf. Fig. 3). Une détérioration du marché de l’emploi, et le niveau élevé des taux d’intérêt ainsi que la reprise des remboursements des prêts étudiants pourraient rapidement peser sur l’épargne des ménages américains.

Fig. 3 – Taux d’impayés des cartes de crédit aux Etats-Unis (%)

Le consensus s’attend à ce que les résultats nets d’intérêt (NII) des banques européennes atteignent un sommet au 4etrimestre 2023 alors que la qualité des actifs des banques va très probablement commencer à se détériorer. Les investisseurs se focalisent désormais davantage sur les résultats 2024qui pourraient décevoir. L’expansion des multiples de valorisation est donc peu probable pour le secteur ces prochains trimestres. Les banques irlandaises, allemandes, espagnoles et italiennes sont celles qui bénéficient le plus de la hausse des taux directeurs et leur impact positif sur les résultats nets d’intérêt.

Les résultats du 2etrimestre ont surpris positivement à la hausse alors que les flux vers des solutions d’épargne rémunérée ont faibli par rapport au 1er trimestre. Les marges sont donc restées stables avec des revenus en hausse. Les rendements du capital ont également surpris à la hausse, un certain nombre de banques, dont Deutsche Bank, BBVA, Barclays et Caixabank, ayant annoncé de nouveaux programmes de rachat d'actions.

Les rendements élevés du capital devraient se poursuivre en 2023,mais les risques en 2024 sont plus orientés à la baisse. Les banques du Royaume-Uni accusent une pression sur les marges due à la fuite des dépôts bancaires vers des solutions d’épargne plus rémunératrices. En France, la hausse des taux n’engendre que très peu de levier opérationnel pour les banques. En effet, le gouvernement français régule davantage la capacité des banques à remonter les taux hypothécaires et de crédit pour protéger les ménages et les entreprises. Cette politique les dessert en période de remontée des taux mais les protège également en ralentissant le risque de détérioration de la qualité des prêts bancaires. Enfin, les banques nordiques souffrent de leur exposition à l’immobilier commercial et la qualité de leurs actifs, largement exposés aux taux de prêt variables, pourrait se détériorer plus rapidement.

Les prêts non performants commencent à augmenter

Il n'y a pas encore de signes de détérioration générale du crédit, mais de nombreuses banques américaines ont signalé des poches de tension. La plupart des banques ont maintenu leurs prévisions en matière d'impayés nets (NCO) au cours des résultats du 2etrimestre 2023, et les réserves pour prêts défectueux sont restées à peu près stables pour le groupe. Cela dit, une poignée de banques ont enregistré des hausses séquentielles de pertes liées en particulier à des prêts dans le secteur de l'immobilier résidentiel. C’est le cas notamment pour Citizen Financial et M&T Bancorp. En Europe, les prêts non performants demeurent à des niveaux historiquement bas, mais les taux de défaillance ont commencé à augmenter au second semestre de l'année dernière (cf. Fig. 4).

Fig. 4 – Taux de prêts non performants en pourcentage des prêts totaux des banques européennes (%)

Les décisions gouvernementales et réglementaires limitent la visibilité du secteur

La hausse des taux d’intérêt va peser de plus en plus sur le service de la dette des Etats, tandis que l’inflation pèse sur les dépenses. Pour équilibrer leur budget, les gouvernements commencent à taxer les secteurs affichant des bénéfices exceptionnels dus aux hausses de taux.

En 2022, les sociétés pétrolière savaient subi le même sort suite à l’envolée des prix de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine. En Italie, l’introduction d’une taxe sur les profits exceptionnels fait craindre au marché qu’une telle taxe ne soit étendue à d'autres pays européens. L’Espagne, la Suède, le Danemark et la République Tchèque ont déjà pris des mesures similaires (cf. Fig. 7).

De plus, dans un contexte de taux élevés et d'une augmentation de la rentabilité des banques, la Banque centrale européenne a décidé de modifier les conditions du TLTRO (Targeted Long-Term Financing Operations) et la rémunération des réserves obligatoires est réduite à 0%. Ce changement entrera en vigueur au début de la période de constitution des réserves commençant le 20 septembre. Les réserves obligatoires sont des soldes de réserves que les banques sont tenues de détenir auprès de la BCE. Le montant minimum est équivalent à 1 % de leurs engagements, principalement les dépôts de la clientèle. Les réserves obligatoires sont actuellement rémunérées au taux de la facilité de dépôt (DFR) soit 3.5%.Ces changements devraient réduire les résultats nets des banques d’environ 2% en moyenne.

Fig. 7 – Taxes sur les profits bancaires exceptionnelsimplémentées (ou en cours d’approbation) en Europe

Aux Etats-Unis, l’implémentation de la réglementation Bâle IV va nécessiter quelques ajustements supplémentaires en termes de fonds propres, malgré les bons résultats au stress test. Les banques américaines sont par conséquent peu susceptibles d’augmenter leurs programmes de rachats d’actions ces prochains trimestres. Elles ont d’autre part commencé à renforcer leur bilan en réduisant les actifs risqués. L’octroi de prêts par les banques est ainsi en nette décélération.

Conclusion :

Le poids réglementaire des autorités de surveillance, l’implémentation de taxes sur les profits exceptionnels et la dégradation des notes de crédit du secteur par les agences de notation sont des vents contraires forts pour les banques, au-delà de l’aspect cyclique engendré par les hausses de taux et l’inflation. Le secteur est toutefois plus solide que lors de la grande crise financière avec des ratios en capitaux renforcés et une surveillance accrue. Les banques européennes sont en avance en termes réglementaires et appliquent des règles prudentielles plus drastiques. Elles semblent donc plus à même de faire face à la prochaine récession économique que les banques régionales américaines.

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