LES ÉNERGIES FOSSILES ONT ENCORE DE BEAUX JOURS DEVANT ELLES

STRATEGIE ET THEMATIQUES
25 Septembre 2023
La transition énergétique progresse moins vite que la volonté politique
La demande d’énergie fossile continue de croître
Les fondamentaux financiers sont solides et profitent d’innovations technologiques
Les tensions géopolitiques tirent la performance mais également l’inflation

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Les sociétés pétrolières profitent de la hausse des prix du pétrole"

ANALYSE DES MARCHÉS BOURSIERS

Alors que les prix du pétrole ne cessent de grimper depuis le mois de juillet (cf. Graphique de la semaine) et sont proches de $100 le baril, les hedge funds accentuent la tendance en accumulant des paris sur l’or noir. Le secteur demeure volatil face aux tensions géopolitiques et aux cycles économiques. La remontée des prix du pétrole renforce l’attrait d’investir dans les énergies renouvelables pour le bien de la planète et des consommateurs.

La transition énergétique progresse moins vite que la volonté politique

Depuis l’accord de Paris en 2015 puis le green deal européen en 2020 et le plan RePower EU en 2021, ou la BIL (Bipartisan Infrastructure Law) en 2021 suivie de l’IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis, la volonté politique de réussir la transition énergétique vers des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique, etc.) est toujours bien présente mais rencontre des obstacles de taille : Covid-19, guerre en Ukraine...

La baisse des coûts de production de ces énergies facilite leur adoption. Le développement de nouvelles technologies, comme le stockage de l'énergie, les smart grids ou l'hydrogène vert, apporte des solutions vers un modèle énergétique plus durable. De plus la hausse significative du nombre de véhicules électriques (VE) en circulation et le développement de l’infrastructure de recharge, notamment en Europe et en Chine, accélèrent la transition vers les énergies renouvelables (cf. Fig. 2).

Fig. 2 – Evolution des sources d’énergie dans la production d’électricité mondiale
Fig. 2 – Evolution des sources d’énergie dans la production d’électricité mondiale

Cependant les combustibles fossiles continuent de dominer dans de nombreuses régions du monde. Bien que la demande de pétrole ait été affectée par la pandémie de Covid-19, elle reste relativement forte en raison de son utilisation dans les transports, la pétrochimie, et d'autres secteurs. Le gaz naturel, souvent considéré comme une "énergie de transition", aide à réduire les émissions en remplaçant le charbon dans la production d'électricité. Malheureusement, la guerre en Ukraine a obligé certains pays comme l’Allemagne à retourner vers le charbon pour produire de l’électricité, le temps de trouver des alternatives au gaz russe. Enfin, même si le charbon est de moins en moins utilisé dans les pays développés, il reste une source d'énergie bon marché pour de nombreux pays émergents.

La demande d’énergie fossile continue de croître, mais à un rythme plus lent

Les fonds d’investissement et les entreprises ont commencé à se désengager des industries fossiles, ce qui pourrait avoir un impact sur leur financement à long terme. La plupart des entreprises d’exploration et de production d’énergie fossile ont réduit leurs investissements face au ralentissement anticipé de la demande mais aussi sous la pression des investisseurs qui poussent ces sociétés à accélérer leur transition vers d’autres sources d’énergie. Ainsi TotalEnergie se doit d’investir dans des projets de production d’hydrogène plutôt que d’exploration pétrolière. Aux Etats-Unis, l’Etat de Californie a décidé de poursuivre en justice certains producteurs de pétrole pour n’avoir pas averti de leur impact négatif sur le climat. Sans de nouveaux investissements, l’offre pourrait rapidement être inférieure à la demande.

L’Arabie Saoudite et la Russie ont toutes deux annoncé des baisses de production face à la faible croissance chinoise et au ralentissement économique en Europe. La gestion de la production par les pays de l’OPEP+ soutient ainsi les prix à des niveaux élevés (cf. Fig. 3) et bien au-dessus de leurs coûts d’extraction.

Fig. 3 – Gestion des inventaires de pétrole et corrélation avec les prix du pétrole
Fig. 3 – Gestion des inventaires de pétrole et corrélation avec les prix du pétrole

L’Agence Internationale de l’Energie (IEA) s’attend à un pic de production pétrolière d’ici la fin de la décennie avant de voir la demande et la production baisser de façon durable, grâce au relais des énergies renouvelables.


Les fondamentaux financiers sont solides et profitent d’innovations technologiques

Les sociétés pétrolières et gazières génèrent des flux de trésorerie importants et distribuent des dividendes élevés. Les investissements moindres et les marges élevées ont permis de réduire les dettes. Elles sont aujourd’hui en position de force alors que les événements géopolitiques et les réserves minimes de pétrole poussent les prix à la hausse. Les progrès des techniques de forage, comme la fracturation, ont également rendu l'extraction du pétrole et du gaz plus rentable, ce qui favorise particulièrement les sociétés américaines qui extraient du gaz de schiste.

Malgré l'essor des énergies renouvelables, le pétrole et le gaz restent essentiels à l'économie mondiale, notamment pour les transports et la production industrielle. On estime aujourd’hui que pour un dollar dépensé dans des projets pétroliers ou gaziers, $1.50 sont dépensés dans des projets d’énergies renouvelables. Les investissements dans le gaz de schiste aux Etats-Unis ont suivi la remontée des prix mais les entreprises sont aujourd’hui beaucoup plus disciplinées et le risque de surproduction semble éloigné.

Les tensions géopolitiques tirent la performance mais également l’inflation

L'inflation des prix de l'énergie a des conséquences complexes sur l'économie (cf. Fig. 4). Elle est une composante clé des coûts de production pour de nombreux secteurs, allant de l'industrie manufacturière à l'agriculture. Lorsque les prix de l'énergie augmentent, cela se répercute souvent sur le coût de production des biens et services, le coût du transport et enfin sur les prix à la consommation.

L'accès aux ressources énergétiques est un enjeu géopolitique majeur. Les conflits, les sanctions ou les accords entre pays producteurs peuvent influencer les prix de l'énergie et, par conséquent, l'inflation. Les ménages à faibles revenus sont les premiers à en pâtir, ce qui peut nécessiter des interventions politiques, comme des subventions ou des ajustements fiscaux, qui ont elles-mêmes des conséquences sur l'inflation.

En somme, l'inflation des prix de l'énergie peut avoir des effets en cascade sur toute l'économie, en affectant à la fois la production, la consommation et même la politique monétaire. Ces effets peuvent être temporaires ou plus durables, en fonction de la nature et de la durée de l'inflation énergétique.

Fig. 4 – L’évolution des prix du pétrole et l’inflation restent intimement liées
Fig. 4 – L’évolution des prix du pétrole et l’inflation restent intimement liées

Conclusion :

Même si la transition énergétique est en marche, les industries fossiles jouent encore un rôle significatif dans le mix énergétique mondial. Le rythme de la transition dépendra de plusieurs facteurs, y compris les politiques gouvernementales, les innovations technologiques et les changements dans les comportements de consommation. La guerre en Ukraine transforme l’ordre mondial et surtout met en cause les politiques énergétiques menées en Europe précédemment. La dépendance de l’Europe au gaz russe risque fort de se transformer en dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment de ses terres rares et de ses panneaux solaires. Il convient de diversifier les sources d’énergie et de considérer des solutions locales comme le nucléaire, l’hydrogène et l’éolien. L’ensemble de la chaîne de valeur doit être pris en compte pour évaluer la pertinence d’une énergie dite « renouvelable ». En attendant, le secteur des énergies fossiles peut satisfaire ses actionnaires plusieurs décennies encore.

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