Au cours des trente derniers mois, les investisseurs ont assisté à une hausse significative des taux d'intérêt (cf. Fig. 2). Cette augmentation, conséquence de la lutte contre l'inflation menée par les banques centrales, a radicalement modifié le paysage des placements financiers : le champ des possibles s’est élargi. Les obligations ne sont plus considérées comme des actifs à faible rendement mais sont à nouveau attrayantes. De la même manière, les produits structurés à capital garanti, qui combinent sécurité du capital et potentiel de gains, sont plébiscités.
Pour mémoire, les produits structurés à capital garanti sont composés d’une obligation zéro-coupon et d’une option. L’obligation zéro-coupon comporte deux avantages. D’une part, elle garantit le remboursement du capital à l’échéance. D’autre part, dans un environnement de taux positif, son prix est inférieur au capital initial, ce qui permet de financer l’option. Une option d’achat donnera l’opportunité de participer à la hausse du sous-jacent, tandis qu’une option digitale permettra de percevoir des coupons. Cette structure est ainsi capable de générer de la performance, sans prendre de risque (si ce n’est celui du défaut de la banque émettrice du produit). Les lecteurs qui apprécient les raccourcis se souviendront que l’investisseur échange le rendement fixe d’une obligation contre un rendement variable lié à la performance d’un autre sous-jacent. En procédant ainsi, il espère que sa décision d’investissement lui permettra de percevoir davantage que les coupons qui lui auraient été versés par l’obligation.
Au vu de la construction des produits à capital garanti, plus les taux sont élevés, plus le prix de l’obligation zéro-coupon est faible, et plus ces structures sont séduisantes. A titre d’exemple, un investisseur peut exposer son portefeuille à l’indice EuroStoxx, participer à 130% de sa progression au cours des trois prochaines années, tout en préservant son capital initial si le marché européen venait à chuter. Dans un climat d'incertitudes économiques et géopolitiques, les produits à capital garanti représentent une alternative très prisée.
L'engouement est tel que les fournisseurs de fonds indiciels cotés (Exchange-Traded Funds) cherchent à s’immiscer dans ce marché. Depuis 2022 et l’engouement pour les ETF "buffer", ils proposent de plus en plus de fonds à "résultats définis" qui protègent partiellement contre une perte en capital. Cette protection contre les baisses de marché se fait en échange des dividendes et d'une partie des gains potentiels : les performances sont plafonnées. Avec 64 fonds "Buffer" et 15 milliards d’actifs, Innovator Capital Management se positionne comme un acteur important dans ce segment. Sa gamme phare, par exemple Power Buffer (PSEP US Equity pour celui de septembre), vise à protéger les investisseurs contre les premiers 15% de pertes du marché. Au-delà, l’ETF ne garantit plus le capital. First Trust (BUFR US Equity), Allianz (NVBW US Equity), mais aussi BlackRock (IVVB US Equity), leader mondial de la gestion d’actifs, sont en train de lui emboîter le pas (cf. Fig. 3).
En juillet dernier, Innovator est allé plus loin encore, en proposant un ETF indexé sur le S&P 500 et dont la protection du capital est de 100% (Innovator Equity Defined Protection ETF, TJUL US Equity, cf. graphique de la semaine). Les gains potentiels sont plafonnés entre 15% et 18% selon les conditions de marché, en particulier les niveaux de volatilité et les taux d'intérêt en vigueur, sur une période de deux ans, soit 7.1% à 8.8% par an. D'autres fonds de ce type devraient être lancés tous les six mois.
▪ Comme pour un produit structuré à capital garanti, l’investissement est complètement protégé contre les pertes, un avantage séduisant pour les investisseurs averses aux risques.
▪ En simplifiant la détention de ce type de stratégies, cette offre s’adresse à un segment plus large d'investisseurs, notamment les particuliers.
▪ Grâce à l'utilisation d'options flexibles sécurisées par l'Option Clearing Corporation, la plus grande chambre de compensation mondiale, le risque de contrepartie est moindre.
▪ En raison de leur nature négociée en bourse, leur liquidité est importante. Cela peut être un avantage pour les investisseurs qui valorisent la flexibilité et la capacité à réagir rapidement aux conditions changeantes de marché.
▪ Contrairement à ce que laisse entendre la dénomination du produit, la protection du capital n'est pas de 100%. Les frais de transaction et de gestion ne sont pas pris en compte. Or, ils sont relativement élevés pour un ETF : 0.79% par an dans le cas du fonds Innovator.
▪ Plus important encore, le capital n’est garanti que pour l’investisseur qui souscrit à un prix inférieur à celui qui prévalait le jour du lancement du fonds et qui détient le fonds jusqu’au dernier jour de la période de résultats, soit deux ans dans le cas d’Innovator.
▪ D’un point de vue technique, en cas de crise majeure, lorsque les prix d'options de vente sont élevés, la gestion des liquidités pourrait être difficile, tout comme celle des stratégies de collar ou de call spread sur lesquelles s'appuie la structure.
Au-delà de tous ces éléments, favorables ou non, le plus important est sans doute que ces fonds n’offrent aucune flexibilité, que ce soit en termes de conception ou de potentiel de rendement. Or, c’est principalement ce que recherchent les investisseurs qui élaborent des produits structurés. Ils les adaptent au cas par cas, en y incluant des caractéristiques spécifiques, de manière à répondre à des objectifs d'investissement précis.
Les ETF offrant une protection contre les pertes en capital représentent une avancée notable pour les particuliers. Ceux qui n’avaient pas accès à ce type de stratégies et qui ont une aversion au risque pourraient décider d’y investir une part des liquidités qui stagnent dans leurs portefeuilles.
En revanche, ces ETF ne parviendront pas à concurrencer les produits structurés auprès des professionnels de l’investissement. Leur conception présente des inconvénients dissuasifs par rapport aux produits structurés, notamment en termes de flexibilité.