Les investisseurs et les banques centrales ont les yeux rivés sur l’inflation, or celle-ci est en grande partie due aux problèmes logistiques post-covid et à la guerre en Ukraine qui ont poussé les prix des matières premières à la hausse.
Les pénuries ont d’abord affecté les ventes de produits (ex : les voitures, les ordinateurs…) avant d'impacter les marges et maintenant le porte-monnaie des consommateurs.
Depuis le 1er janvier, le prix du lithium a chuté de près de 69%, alors même que les ventes de véhicules électriques ont grimpé en flèche. Le cobalt, un autre matériau important pour les batteries, a chuté de 33%. Le cuivre, essentiel pour les moteurs électriques et les batteries, est lui en hausse de 3%, tandis que le minerai de fer en baisse de 5%.
Le prix des matières première demeure très volatile et résulte d’un équilibre entre l’offre et la demande (cf. Fig. 2). Quelles sont les raisons qui expliquent la chute des prix des matières premières nécessaires à la construction des batteries électriques alors que l’économie chinoise redémarre et que les politiques semblent soutenir plus que jamais la transition vers les énergies renouvelables ?
A court-terme, l’expiration des subventions accordées pour l’achat de voitures électriques ralentit les ventes et donc la demande de matières premières. D’autre part la sous-production de lithium pourrait être résolue plus tôt que prévue grâce à l’ouverture de nouvelles mines et raffineries. Le lithium n’est pas une ressource rare et se trouve essentiellement sous forme de sel. C’est même le 33ème élément le plus abondant sur terre, mais les quantités exploitables se situent principalement au Chili et en Bolivie. Des projets sont en train de voir le jour en France (Alsace) et au Royaume-Uni (Cornouailles) mais ces nouvelles capacités ne seront pas en mesure de répondre à la demande. L’implantation de raffinerie en Europe permettra tout juste de réduire la dépendance à l’égard de la Chine.
L'évolution technologique contribue à expliquer la chute des prix du cobalt. Les batteries fabriquées sans cobalt à partir de lithium, de fer et de phosphate, une combinaison connue sous le nom de L.F.P. sont également plus respectueuses de l’environnement et moins coûteuse à produire. De plus, la constitution de stocks de Cobalt par un important fournisseur a également eu un impact sur les prix.
Les matières industrielles telles que le cuivre et le minerai de fer résistent mieux, soutenus par la réouverture de la Chine et la stabilisation de son marché immobilier.
Les prix du pétrole sont en légère baisse depuis le début de l’année (-4.5% pour le WTI et -6.4% pour le Brent) alors que les risques d’une récession globale augmentent et que l’hiver touche à sa fin. Les prix devraient cependant rester dans une fourchette relativement stable. Mi-avril, L’OPEC+ a annoncé sa décision de réduire la production face au ralentissement économique et à la demande plus faible de la part des pays développés. Suite à cette annonce, le prix du Brent est passé de $71 (20/03/23) à $86 (03/04/23), soit +21%, en l’espace de deux semaines (cf. Fig. 3). Enfin, les prix devraient se maintenir à l’approche des vacances chinoises, qui favorisent la reprise du tourisme.
Le gaz naturel, dont le prix s’était envolé suite à l’invasion de l’Ukraine, est en baisse de 48% cette année et de 76% depuis les plus hauts de 2022 (cf. Fig. 4). Les prix du gaz naturel ont baissé grâce à un hiver relativement doux et aux efforts entrepris pour réduire la consommation. L’approvisionnement énergétique s’est également diversifié. Il provient désormais de sources plus onéreuses que le gaz russe, notamment le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) en provenance des Etats-Unis ou du Qatar.
Cette correction a déjà un impact positif pour l’Europe, réduisant les coûts pour les entreprises et les ménages. Le gaz naturel représente environ 2% des coûts de fabrication en Amérique du Nord, tandis que l'électricité y ajoute 1%. Dans la plupart des autres pays, les coûts du gaz naturel représentent 5% à 8% du coût des produits manufacturés et ceux de l'électricité 2% à 5% (cf. Fig. 5).
L’impact géopolitique sur le prix des matières premières est donc moindre, même si les cartes du jeu sur la scène politique ont été largement redistribuées. L’Europe semble avoir trouvé des alternatives, mais toutes ne sont pas pérennes.
Les sociétés minières et pétrolières ont appris de leurs erreurs passées et gèrent leurs finances de manière beaucoup plus stricte et disciplinée. Elles ont maintenu les dépenses d’exploration et de production à des niveaux historiquement bas. L’ouverture de nouvelles mines ou sites de production ne suffiront pas à fournir les quantités demandées ni à empêcher de faire monter les prix de certaines matières premières, améliorant encore la rentabilité des entreprises du secteur.
Aujourd’hui ces sociétés sont en grande majorité génératrice de liquidités et leurs ratios d’endettement sont proches de zero (net debt/EBITDA ~0.1x), ce qui leur permet d’évoluer sereinement dans un environnement de hausse des taux. Le flux de trésorerie en pourcentage des ventes (FCF/Sales) est astronomique pour les minières : BHP 40% ; Rio Tinto 17% ; Vale 14% ; Fortescue Metal group 22%. Pour les pétrolières, le ratio est de 12% chez TotalEnergie et BP, 11% pour Shell. Enfin, malgré l’inflation des salaires et autres frais manufacturiers, le coût de production marginal demeure très inférieur au prix de vente (cf. Fig. 6).
Les matières premières jouent un rôle fondamental dans la construction d’un portefeuille diversifié. De plus, la corrélation entre l’inflation et le prix des matières premières, énergies et agricoles, est particulièrement élevée. Il faut donc en tenir compte dans les périodes de fortes volatilités sur les prix, car celles-ci peuvent aider à protéger les investissements contre les mouvements adverses engendrés par l’inflation : pression sur les marges des entreprises ou baisse de la consommation des ménages.