Le marché des options est en pleine effervescence, aux États-Unis bien sûr et, depuis le 1er septembre, en Europe. Pour comprendre simplement les opportunités qui s'offrent aux investisseurs, mais également les risques auxquels ils seront confrontés, cette analyse tente d'aller à l'essentiel. Les optionsZero Day to Expiry (0DTE) existent depuis 2005 aux Etats-Unis. Elles peuvent être adossées à des actions individuelles, des indices comme le Dow Jones et le Nasdaq, ou des fonds négociés en bourse (ETF),mais dans les faits elles sont principalement traitées sur l'indice S&P 500. Les 0DTE ont la particularité d'expirer le jour même où elles ont été émises, à 17h30. Elles fonctionnent de la même manière que des options à plus long terme. Les contrats donnent aux traders le droit (ou l'option), mais pas l'obligation, d'acheter ou de vendre un montant spécifié d'un actif sous-jacent à un prix d'exercice spécifié à une date spécifiée.
Dans un premier temps relativement faible, la demande pour les 0DTE a explosé durant la pandémie. Parleur intermédiaire, les petits traders individuels ont trouvé un moyen peu coûteux de négocier la hausseet la baisse des prix des "MEME stocks", ces actions soutenues par une communauté de traders sur desforums de discussion tels que Reddit, comme GameStop ou Tesla. Par extension naturelle, les 0DTE ontété effectuées sur les principaux indices et ETF américains.
Dans un deuxième temps, à partir de 2022, les puissants traders institutionnels ont fini par s'intéresser au marché des options journalières. Cet engouement a été tel que leurs carnets d'ordres représentent désormais 95% des volumes totaux. Le volume de transactions quotidiennes a dépassé le milliard de dollars, pour atteindre 43% du volume de toutes les options liées à l’indice S&P 500 (cf. Fig. 3).
En partie grâce à cela, Cboe Global Markets, le plus grand opérateur américain d'options, a généré d'importants bénéfices. La société vient d'annoncer une croissance à deux chiffres de son chiffre d'affaires net annuel pour le neuvième trimestre consécutif.
Depuis le début du mois de septembre 2023, les traders ont la possibilité de négocier des 0DTE en Europe, sur l’indice Euro Stoxx 50. Eurex, la bourse de produits dérivés gérée par Deutsche Börse, espère le même succès qu’aux Etats-Unis. Au cours des trois premiers jours d'émission, elle a négocié plus de 18'000contrats pour le compte de 28 intervenants institutionnels. Si l'engouement se confirme, la société proposera certainement des options similaires pour d'autres indices, à commencer par le Dax, l'indice de référence allemand. Depuis jeudi 14 septembre, le fournisseur américain de fonds indiciels thématiques, Defiance, propose un ETF qui vend des options 0DTE sur le Nasdaq 100 (QQQY US Equity). Si le succès est au rendez-vous, la société prévoit de lancer deux autres ETF axés sur les produits dérivés, l'un lié au S&P500 et l'autre au Russell 2000. Defiance n'est pas la seule société à vouloir profiter de l'engouement pour les 0DTE. ProShares a déposé en mai une demande de lancement d'un ETF utilisant ce type de contrat, mais le feu vert n’a pas encore été donné. En Europe comme aux États-Unis, le développement de l'offre d'options à très court terme permettra de satisfaire plus facilement l'appétit insatiable des investisseurs.La demande pour ces options devrait donc continuer de croître fortement.
Dans la pratique, les 0DTE sont utilisées pour réagir rapidement et précisément à des événements spécifiques de marché. Elles sont notamment privilégiées pour couvrir une partie des portefeuilles alors que données économiques et financières majeures, attendues dans la journée, sont susceptibles d'influencer les cours boursiers. Il peut s'agir de chiffres économiques, d'annonces de politique monétaire, ou de résultats d’entreprises.
Étant donné que les options 0DTE expirent le jour où elles sont négociées, leur prix peut évoluer très rapidement et de manière imprévisible, en particulier les jours où surviennent des données économiques et financières majeures. Ainsi, les gains et pertes potentiels sur l'option peuvent être très rapides et très importants. Il convient toutefois de relativiser car la variation du prix de l'actif sous-jacent étant bien plus petite, l'impact sur l'ensemble du portefeuille restera contrôlé.
Au vu des caractéristiques des options 0DTE et de leur popularité fulgurante, des inquiétudes ont été exprimées quant à leur impact sur le marché des actions sous-jacent. JP Morgan estime qu'un krach boursier similaire à celui de février 2018 pourrait être déclenché encore plus facilement. A cette époque, certains produits négociés en bourse à court terme, comme le XIV qui pariait sur une faible volatilité du marché, ont perdu plus de 90% de leur valeur du jour au lendemain (cf. Fig. 4).
Cet été, les volumes sur les 0DTE ont été tellement élevés qu'une partie des investisseurs les soupçonnent d'avoir été à l’origine de la chute instantanée des marchés américains en fin de séance, le15 août. Pour mémoire, l'indice a perdu 0.4% en 20 minutes seulement, pour clôturer la séance en baisse de 1.2% (cf. Fig. 4). Goldman Sachs et Nomura, par exemple, estiment que les options journalières en sont bien la cause. Durant cette courte période, une vague d'options de vente avec un prix d'exercice autour de 4'440 dollars est entrée dans la monnaie, forçant les teneurs de marché à couvrir leurs positions en vendant des actions et des contrats à terme. A contrario, Bank of America considère que, ce jour-là, il y avait à peine plus de positions vendeuses que de positions acheteuses et que l'impact net a été minimal sur la direction du marché. D'un point de vue candide, disons que l'influence des 0DTE sur l'évolution journalière des marchés est techniquement possible car les volumes sont gigantesques. Les primes optionnelles étant faibles, les investisseurs vont chercher à vendre des volumes d'options importants pour générer suffisamment de protection à l'échelle de leur portefeuille. Les appels de marge étant techniquement impossibles au cours d'une seule et même journée, cet effet de levier constitue effectivement un danger.
Dans un contexte de marchés volatils, où la publication de données économiques et financières peut fortement impacter les performances des portefeuilles, les options journalières (0DTE) constituent une solution innovante. Elles offrent aux investisseurs une alternative attrayante pour gérer les risques de court terme. Comble d'ironie, si les volumes des 0DTE venaient à devenir trop importants et si les investisseurs cherchaient très majoritairement à se prémunir contre un "flash krach" boursier, alors cette crainte deviendrait auto-réalisatrice. La recherche de sécurité individuelle pourrait finir par engendrer un risque collectif.