RENVERSER LA VAPEUR

STRATEGIE ET THEMATIQUES
09 Octobre 2023
La contraction boursière prend de l'ampleur et devrait évoluer en bear market
Par ailleurs, les ménages sont contraints de faire des choix en matière de dépenses
Les investisseurs s'intéressent de plus en plus aux secteurs "defensive value"…
… notamment aux biens de consommation courante et à la santé

GRAPHIQUE DE LA SEMAINE : "Performance des secteurs au cours du cycle économique"

ANALYSE DES MARCHÉS FINANCIERS

Entre le 1er octobre 2022 et le 31 juillet 2023, les principaux indices boursiers ont connu 10 mois de bull market, gagnant +28% en moyenne. La situation semble s'être inversée depuis le 1er août 2023, le MSCI World All Countries, le S&P 500 et l'Euro Stoxx cédant tous les trois quelque -9%. Nous avons régulièrement détaillé le caractère atypique de ce marché haussier, nullement bâti sur des fondamentaux micro et macro-économiques (cf. Figure 2) mais entièrement sur le regain de confiance prématuré des investisseurs et sur l'envolée temporaire des multiples de valorisation, comme lors du dégonflement de la bulle internet entre 2000 et 2002 (cf. Figure 3).

Source: Bloomberg, Atlantic Derivatives

Cette fois-ci, la situation est d'autant plus paradoxale que seuls quelques titres ont tiré l'ensemble des indices vers leurs précédents sommets, notamment aux États-Unis. Sans Apple, Microsoft, Nvidia, Amazon, Meta, Tesla et Alphabet, l'indice S&P 493 aurait fait du sur-place. Une autre manière de s'en rendre compte est de comparer la performance de l'indice S&P, classiquement pondéré par le poids des capitalisations boursières de chacune des 500 sociétés qui le composent, avec son homologue où elles sont équipondérées. Le premier est en hausse de +11% entre le 1er janvier et le 4 octobre, tandis que le deuxième est dans la zone rouge, à -2% (cf. Figure 4).

Source: Bloomberg, Atlantic Derivatives

Ainsi, pour profiter du bull market, il fallait soit détenir ces sept titres en portefeuille, soit investir de manière passive (via des ETF). A l'inverse, la plupart des investisseurs qui avaient opté pour une sélection active, y compris les banques et les fonds de placement renommés, ont souffert de leur "mauvaise" sélection.

Ces sept titres appartenant à trois secteurs, il apparaît clairement que les huit autres segments n'ont pas brillé cette année (cf. Figure 5). Les sociétés pétrolières et gazières ont tout de même réussi à tirer leur épingle du jeu, grâce à la situation conflictuelle à l'est de l'Europe et au rationnement de l'offre de pétrole par les pays exportateurs (OPEP+). Ainsi, malgré la récession qui se profile, le secteur de l'énergie continuera de profiter d'un environnement porteur au cours des prochains trimestres.

A l'autre bout du spectre, les quatre secteurs les moins performants sont les services aux collectivités, l'immobilier, la consommation courante et la santé. Le marché de la pierre n'a clairement pas fini de souffrir car les hausses de taux de ces deux dernières années commencent seulement à engendrer l'une des plus graves crises immobilières de l'histoire moderne. Dans une moindre mesure, les services aux collectivités, regroupant entre autres les fournisseurs d'eau et d'électricité, sont également impactés. Ces sociétés ont souvent des besoins de financement importants, car elles investissent massivement et à long terme dans des infrastructures. Lorsque les taux d'intérêt grimpent, leurs coûts de financement augmentent, et leur rentabilité diminue. Par ailleurs, elles délivrent des dividendes élevés, mais ces paiements semblent moins attrayants pour les investisseurs dans un environnement de rendements obligataires élevés. Ainsi, tant que les banques centrales n'auront pas "pivoté" en abaissant les taux, le secteur souffrira.

Source: Bloomberg, Atlantic Derivatives

L'histoire est nettement plus rassurante pour les deux secteurs défensifs que sont la consommation courante et la santé. A leur détriment, ils ont tendance à sous-performer lorsque le marché boursier s'appuie sur l'expansion des multiples pour progresser, et 2023 n'a pas fait exception à la règle. Les investisseurs ont délaissé les entreprises bon marché telles que Walmart, Mondelez, Unilever (cf. Figure 6) ou Merck, Sanofi, Novartis (cf. Figure 7) pour une poignée de sociétés cycliques excessivement chères et prisées. En revanche, lorsque les marchés sont orientés à la baisse, parce qu'une récession prend place par exemple, les secteurs de la consommation courante et de la santé affichent des performances robustes (cf. Graphique de la semaine). Au fur et à mesure que la crise économique se développe, que le taux de chômage progresse, que les revenus et l'épargne des ménages diminuent et que les banques prêtent peu, les consommateurs sont contraints de faire des choix. En matière de dépenses, ils donnent priorité à l'alimentation et à la santé, laissant de côté les autres dépenses non essentielles. Par conséquent, les sociétés actives dans les secteurs de la consommation courante et de la santé continuent à générer des profits. Leurs cours boursiers surperforment.

Source: Bloomberg, Atlantic Derivatives

Les analyses incitent à conclure qu'en cas de bear market, les titres de ces deux secteurs "defensive value" ont toutes les chances de délivrer de meilleures performances que le reste de la cote. Les perdants de la période euphorique seront ainsi les grands gagnants du difficile retour à la réalité des investisseurs. Au vu des performances relativement décevantes du secteur de la santé depuis un an, un rebond énergique ne serait pas surprenant (cf. Figures 8 & 9).

Conclusion :

Le dernier bull market s'est appuyé sur l'excès d'optimisme des investisseurs et sur leur engouement pour une petite poignée de sociétés. De manière classique, les secteurs défensifs ont sous-performé. Les investisseurs viennent de renverser la vapeur. Au cours des prochains trimestres, les derniers seront les premiers. Le bear market fera la part belle aux entreprises opérant dans les secteurs de la consommation courante et de la santé.

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