Durant toute la pandémie, l'économie suisse a fait mieux que la plupart de ses partenaires commerciaux. Elle n'a rien eu à envier ni à ses proches voisins, ni à la première puissance mondiale que sont les Etats-Unis. Au plus fort de la crise, le Produit Intérieur Brut (PIB) helvétique n'a reculé que de -8%, contre -10% à -23% dans les pays qui l'entourent (cf. Fig. 2). Dès le milieu de l'année 2021, la Suisse avait retrouvé son niveau de production d'avant covid. Depuis, sa croissance est en ligne avec celle des pays développés, lui permettant de conserver son rang de premier ordre sur la scène internationale.
Malgré son dynamisme structurel, la Suisse n'est pas immunisée contre la récession. À l'heure où tousles pays sont confrontés à un choc inflationniste important et à une hausse rapide des taux d'intérêt, l'économie suisse n'échappe pas aux difficultés. Les chiffres du deuxième trimestre, rendus publics la semaine dernière, révèlent une forte contraction de l'investissement des entreprises et une très faible progression de la consommation des ménages (cf. Fig. 3). Les premières voient leurs carnets de commandes se vider, tandis que les seconds souffrent de l'érosion de leur pouvoir d'achat et de la dégradation des perspectives d'emploi.
Preuve s'il en faut, les enquêtes de confiance se dégradent de manière notoire, tant auprès des directeurs d'achat que des consommateurs (cf. Fig. 4 & 5). La production industrielle et les ventes au détail vont demeurer en territoire négatif. Tout concourt à ce que la croissance du PIB du troisième trimestre soit négative et qu'elle positionne officiellement la Suisse en récession.
Un des facteurs qui différencient la Suisse du reste du monde est la faiblesse de l'inflation. Certes, celle-ci a progressé à un rythme élevé ces dernières années, mais sans commune mesure avec celle de ses principaux partenaires commerciaux. En Suisse, le pic inflationniste a culminé à 3.5% en glissement annuel, contre 9.1% aux États-Unis et 10.6% en Zone Euro. La croissance des prix est même déjà revenue à proximité de l'objectif de 2% défini par la Banque Nationale Suisse (BNS). De là à conclure que l'institution renoncera à augmenter une nouvelle fois ses taux directeurs le 21 septembre, il y a un pas que nous ne franchirons pas – et ce, pour plusieurs raisons :
Certains stratèges argumentent que la BNS optera pour l'immobilisme car une nouvelle hausse de taux favoriserait l'appréciation du franc suisse, pénalisant ainsi doublement les entreprises exportatrices. Cet argument est correct mais il semble insuffisant pour modifier la trajectoire de hausse de taux souhaitée par la BNS :
A court terme, les investisseurs pourraient donc être surpris du nouveau tour de vis monétaire du 21septembre et de l'appréciation du franc qui y serait associée. À long terme, les analyses convergent vers une appréciation structurelle de la monnaie helvétique, contre l'euro et plus encore face au billet vert (cf.Stratégie et Thématiques du 24 avril).
La plus grande déception concernant la Suisse provient de la forte et récente sous-performance de son marché boursier. Au second semestre 2022, cette situation pouvait être justifiée par un "retour à la normale", suite à l'évolution positive du marché suisse au cours des 30 mois précédents. A contrario, le retard de performance enregistré en 2023 est anormal au vu du caractère défensif de l'indice helvétique.Habituellement, lorsque le cycle économique mondial ralentit, les indices boursiers chutent mais le SMI résiste mieux : il sur performe (cf. Fig. 9). Les indices boursiers ayant progressé cette année, malgré le ralentissement économique, la relation semble rompue. Un retour aux fondamentaux, via une correction boursière marquée, ne manquerait pas de redonner des couleurs au SMI, au SPI et à des sociétés qui ont déjà bien performé cette année comme ABB, Kuehne + Nagel, Straumann, ou Temenos (cf. Fig. 10).
Les investisseurs qui ont l'habitude de prendre du recul et d'investir en francs suisses ne sont pas inquiets. La performance de la bourse helvétique, ajustée de l'effet de change, tient parfaitement bien la comparaison avec les meilleurs indices régionaux, comme le S&P 500 américain, et elle demeure très au-dessus de celle offerte par l'indice phare en Europe, l'EuroStoxx (cf. Graphique de la semaine). S'en passer dans un portefeuille serait une erreur.
La Suisse entre en récession mais sa situation économique demeure structurellement meilleure que celle de ses principaux partenaires, tant en termes de rythme d'activité que d'inflation. Une nouvelle hausse des taux directeurs par la BNS pourrait donner un nouvel élan au franc suisse. Quant aux actions helvétiques, elles profiteront de la prochaine correction boursière pour sur performer. Deux bonnes raisons pour que les investisseurs s'y intéressent à nouveau.